VOUS TROUVEREZ CI-APRÈS UN EXEMPLE DE COMMENTAIRE COMPOSÉ RÉDIGÉ.

Il est composé d'une introduction, d'une première partie développée en 3 paragraphes, d'une transition, d'une seconde partie développée elle aussi en 3 paragraphes et d'une conclusion.

Le texte étudié est un sujet de bac donné en première technologique sur les deux premières scènes d'une pièce de théâtre :
Le Barbier de Séville (Beaumarchais, 1775)

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II/ ECRITURE : COMMENTAIRE COMPOSÉ

 

          Au théâtre, les premières minutes sont importantes. Dès le lever du rideau, le spectateur voit le décor. Puis il découvre les premiers personnages qui arrivent sur la scène. Les costumes de ces personnages, les accessoires qu'ils portent, leur attitude et leurs premières répliques servent de signes pour le public. Tous ces éléments renseignent sur l'identité et la personnalité des personnages. Ils définissent aussi une certaine atmosphère pour la pièce. Les scènes d'exposition sont donc particulièrement soignées par les dramaturges. C'est le cas justement du Barbier de Séville écrit par Beaumarchais en 1775. Comment l'auteur parvient-il à nous faire comprendre dès les premières scènes qu'il s'agit d'une comédie ? Nous verrons d'abord en quoi ces scènes 1 et 2 correspondent à une exposition de comédie. Nous étudierons ensuite l'opposition entre les deux personnages, qui participe justement à la tonalité comique de ce début de pièce.

 

          Ces scènes 1 et 2 de l'acte I correspondent à une exposition de comédie. Nous allons donc montrer que c'est une scène d'exposition. Nous constaterons ensuite que c'est une comédie.

          Il s'agit d'un début de pièce qui fixe le cadre spatio-temporel et présente les personnages. En ce qui concerne le lieu, on apprend que la scène représente « une rue de Séville » comme c'est indiqué dans la didascalie initiale. On sait donc que la scène se passe dans la rue. De plus elle se tient en Espagne, à Séville. On connaît donc la ville et le pays. Le monologue du Comte le confirme quand il s'exclame « suivre une femme à Séville ». Il précise même qu'il est loin de « la cour » à « cent lieues de Madrid » et pense qu'avec son déguisement on pourrait le prendre pour un « Espagnol du temps d'Isabelle ». Le spectateur dispose donc de plusieurs éléments pour savoir où se passe la scène. Le cadre spatial est très clairement posé. Concernant le cadre temporel, le spectateur a également des renseignements. Il comprend que la scène se passe à l'aube. « Le jour est moins avancé que je ne croyais » affirme le Comte dans sa première réplique. Ainsi nous nous trouvons au petit matin. La pièce commence en début de journée, ce qui paraît logique. Le spectateur peut imaginer qu'il va suivre le déroulement de toute une journée, du matin au soir, avec de nombreux rebondissements. A propos des personnages, l'onomastique est significative : le Comte n'a pas de nom et est désigné seulement par son titre. On ne peut donc pas avoir de doute sur son rang social. Il est noble. D'ailleurs sa fréquentation de la « cour » le prouve. Le personnage Figaro est également nommé dans la didascalie mais aussi par lui-même car il se félicite à voix haute en disant « Fort bien, Figaro ! ». Ici Beaumarchais utilise la double énonciation du langage au théâtre et la double destination des répliques. Les mots s'adressent en vérité non pas à Figaro mais au public, afin qu'il apprenne le nom de ce personnage. On observe d'ailleurs que l'auteur a choisi de faire apparaître les personnages non pas ensemble mais séparément, chacun s'exprimant par un monologue. De cette façon, le spectateur prend le temps de suivre et d'écouter chaque personnage et donc de le découvrir. Ainsi nous constatons que ces scènes 1 et 2 remplissent bien leur rôle de scène d'exposition.

          D'autre part, la pièce est une comédie. Rappelons qu'au XVIIIe siècle, la comédie se caractérise par des personnages bourgeois ou de petite noblesse, par un aspect comique et des sujets légers. Ici, dès les premières scènes, le spectateur comprend que ce ne sera pas une tragédie. En effet les personnages ne sont pas mythologiques ni historiques ni des personnes de très haut rang, le titre de Comte ne correspondant pas à un titre de noblesse considérable. D'autre part les thèmes abordés sont légers. Les champs lexicaux le prouvent. Ils abordent la recherche du bonheur, l'amour, le plaisir, donc des sujets caractéristiques de la comédie. Les mots « bonheur », « coeur » et « plaisir » sont ainsi présents à la fois dans les répliques du Comte et de Figaro. Le ton est léger dès ce début de pièce.

          Par ailleurs la situation est d'emblée comique puisque chaque personnage se méfie de l'autre. Dès qu'il l'aperçoit, le Comte estime que Figaro est un « importun » et l'envoie au diable, parce qu'il le dérange. De son côté, Figaro réagit quand il voit le Comte et le désigne comme « cet abbé-là » qu'il aurait déjà vu quelque part. Ceci est un comique de situation. Par l'emploi de ces mots et des réactions des personnages, le spectateur comprend que la pièce le fera sourire.

 

          Il s'agit donc bien de l'exposition d'une comédie. Pourtant le comique vient surtout de l'opposition marquée entre les deux personnages, qui relève du comique de caractère, et que nous étudierons en deuxième partie.

 

          Les personnages de cette scène d'exposition s'opposent en tous points. Voyons leurs différences de rang, de comportement et de mentalité.

          Le Comte et Figaro n'appartiennent pas à la même catégorie sociale. Leur nom le prouve. Le Comte est un noble. Il dit qu'il fréquente « Madrid et la cour ». D'ailleurs son langage est courant voire soutenu. Au contraire, Figaro n'est qu'un homme ordinaire. Il n'a qu'un seul nom et aucun titre. Il s'exprime simplement et de manière familière. Quand il commente sa chanson, il s'exclame par exemple « ceci ne va pas mal, hein, hein ! ». L'expression « pas mal » est relâchée, de même que « Fi donc ! » ou encore l'interjection « Eh ! » et le juron « parbleu ». Les deux hommes n'ont donc pas reçu la même éducation.

          De plus les personnages ont des comportements radicalement différents. Le Comte se cache. La didascalie montre qu'il est « seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu ». Le grand manteau et le chapeau rabattu l'aident à ne pas dévoiler son identité. Le Comte désigne d'ailleurs ces vêtements comme étant un « déguisement » car il ne veut pas être reconnu par « quelque aimable de la cour », le mot « aimable » étant sans doute ironique. Figaro au contraire arrive à découvert, « une guitare sur le dos » et « chantonne » comme la didascalie le précise. Il signale donc sa présence à tous et ne se cache pas. La guitare « en bandoulière » indique qu'il est un artiste, un poète. Figaro plusieurs fois chante : « Il chantonne », « Il chante », « écrit en chantant », « Il écrit en chantant ». Pour écrire et être plus à l'aise, il n'hésite pas à poser « un genou en terre ». Quand il est content de ses propres trouvailles, il se félicite avec la phrase exclamative non verbale « Fort bien, Figaro ! ». C'est un extraverti, qui agit avec sincérité.

          En outre ces différences extérieures montrent deux tempéraments opposés. D'un côté le Comte est inquiet. La didascalie précise qu'il « tire sa montre en se promenant », le gérondif « en se promenant » indiquant une certaine durée. Le champ lexical du temps occupe justement les pensées du personnage avec les mots « Le jour est moins avancé », « l'heure », « trop tôt », « manquer l'instant ». Le Comte a à la fois peur d'être vu et peur de ne pas voir Rosine. Son exclamation « Au diable l'importun » en fin de monologue montre qu'il est nerveux, prêt à s'emporter pour un rien. En vérité il est amoureux et cherche à obtenir « le cœur de Rosine », une femme pourtant à qui il n'a « jamais parlé ». Son objectif est de fuir les « plaisirs si faciles » car il est « las des conquêtes » qu'il obtient « sans cesse ». Figaro en tous ces points est donc son strict contraire. Il est joyeux et chantonne « gaiement ». Cet adverbe et le fait de chanter prouvent sa bonne humeur. Lui n'a peur de rien, pas même des « messieurs de la cabale ». Il compose une chanson en vers rimés, avec quatre vers en rimes croisées suivis de quatre vers en rimes suivies. Plutôt que de penser à une femme, il ne songe qu'au « vin », au « plaisir » et à la « paresse » donc à des plaisirs faciles. Comparé au Comte, l'homme paraît donc plus pauvre mais plus fort moralement, riche de sa volonté, de son imagination artistique et de sa bonne humeur.

 

          Ainsi ce début de pièce est réussi. Beaumarchais pose dès les premières scènes le cadre, le lieu, le temps, le ton. Il joue sur les oppositions des personnages pour éveiller la curiosité du spectateur et le faire sourire. Le public alors s'interroge sur la suite et se demande ce qui va se produire quand le Comte et Figaro s'adresseront la parole, eux qui paraissent tellement opposés.

 

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