Principes généraux

Une introduction est comparable à un entonnoir. On parle de certaines choses assez générales (un siècle, un auteur, un thème d'écriture...) et on arrive peu à peu à ce qui nous intéresse : le texte à étudier. Celui-ci est donc clairement mentionné, avec son titre souligné et sa date de publication. Puis on donne la problématique qui guidera le commentaire. Enfin on annonce le plan qui sera suivi dans le développement, avec une phrase par partie annoncée.

Donc, si on résume, l'introduction :

- comporte d'abord quelques généralités
- indique le texte à étudier, l'auteur, la date de parution
- donne la problématique du commentaire
- annonce le plan qui sera suivi dans le commentaire

Remarques

Etant donné le nombre d'informations à donner, l'ensemble de l'introduction ne peut pas se résumer à trois lignes. Elle n'occupe pas non plus une page, ce qui serait beaucoup trop ! Disons qu'un ensemble de 10-12 lignes semble une bonne moyenne.

Autre remarque : bien entendu, c'est aussi la qualité de votre expression à l'écrit qui déterminera la qualité de votre introduction !

Attention ! L'introduction est la première chose que lit l'examinateur de votre copie mais c'est la dernière chose que vous faites au brouillon. Ne commencez jamais par l'introduction au brouillon. Ce n'est en effet qu'après avoir longuement étudié le texte qu'on le comprend vraiment et qu'on peut en dégager la problématique.

Mais que dire dans cette introduction ?
Comment trouver des idées si on ne connaît pas l'auteur ?

Pas de panique. Même si on ne connaît pas l'auteur, on peut quand même faire une introduction.

Afin que vous compreniez bien comment faire, nous allons envisager un commentaire composé d'un texte appelé « Les caprices de la mode », extrait des Lettres persanes, célèbre roman épistolaire de Montesquieu publié en 1721. Nous prendrons 3 cas de figure, c'est-à-dire 3 élèves au profil différent. Seul point commun : aucun d'eux n'a lu Lettres persanes ni ne connaît la biographie de Montesquieu. Aucun d'eux ne peut donc partir de ces connaissances-là. (Remarque : c'est évidemment le cas le plus fréquent car la plupart du temps, vous ignorez tout du texte qui vous est donné en commentaire le jour du bac).

L'élève A s'appuiera ainsi sur des connaissances générales sur le XVIIIe siècle, l'élève B partira de considérations générales sur le thème du texte ; l'élève C aura quant à lui l'idée de faire appel à d'autres textes abordant le même thème. Précision : pour suivre cette fiche de méthode, il n'est pas nécessaire d'étudier le texte « Caprices de la mode ». Nous vous le donnons toutefois à la fin de la fiche, pour information.

La seule chose à retenir, c'est ce que les élèves A, B et C ont bien compris : à savoir que le texte de Montesquieu semblait critiquer les Français férus de mode mais qu'en vérité il s'agissait d'une critique plus profonde : celle de la société de l'époque et de la monarchie absolue. Le texte est une lettre fictive au caractère humoristique.

 

Exemple d'introduction avec l'élève A

Contexte

L'élève A a bien vu que l'intérêt du texte de Montesquieu était de partir du sujet de la mode pour critiquer la société toute entière. Sa problématique repose donc là-dessus : Comment l'auteur réussit-il avec la mode à effectuer une critique de la société de son époque ?

Au brouillon

Son plan de commentaire au brouillon prévoit 2 parties :
I/ Une lettre fictive et amusante sur la mode.
II/ Une critique réelle de la société.

Méthode

L'élève A a appris son cours de français et a des connaissances en histoire. Il exploite donc sa culture générale pour faire une introduction sans surprise mais parfaitement correcte. Il va situer le contexte historique, citer des philosophes des Lumières et arriver à Montesquieu et au texte. Puis il donne sa problématique et annonce son plan.

Après avoir respecté un alinéa de 3 carreaux, l'élève A écrit donc sur sa copie son introduction.

Résultat

           Après la mort de Louis XIV, en 1715, une période de relative liberté s'instaure en France pendant la Régence. Cette époque est propice à la réflexion et de nombreux écrivains interrogent le pouvoir en place. Dans ce mouvement des Lumières, des philosophes produisent alors des œuvres qui invitent les lecteurs à remettre en cause le système politique et religieux en vigueur. Parmi eux, aux côtés de Rousseau, Diderot, Beaumarchais, Voltaire, Marivaux, et bien d'autres encore, figure Montesquieu. En 1721, il publie les Lettres persanes. Dans l'extrait qui nous est donné ici, le thème de la mode est abordé. Comment l'auteur réussit-il par ce moyen à effectuer une critique de la société de son époque ? Nous verrons dans un premier temps que ce texte est une lettre fictive et amusante sur la mode. Nous montrerons dans un deuxième temps que Montesquieu effectue en vérité une critique réelle de la société.

Autre exemple d'introduction avec l'élève B

Contexte

L'élève B, lui aussi, a bien vu que l'intérêt du texte de Montesquieu était de partir du sujet de la mode pour critiquer la société toute entière. Il trouve cela étonnant et judicieux de la part de l'auteur. Sa problématique met donc bien en évidence le décalage entre un sujet léger (la mode) avec un ton léger (l'humour) et un objectif sérieux (la critique de la société) : Comment Montesquieu parvient-il à élaborer une véritable critique sociale à travers un sujet léger traité avec humour : la mode ?

Au brouillon

Son plan de commentaire au brouillon prévoit 3 parties :
I/ Aspect amusant et fictif de la lettre.
II/ Une critique par l'humour.
III/ Des dénonciations sévères.

Méthode

L'élève B n'a pas de culture générale en histoire. Il a surtout peur de confondre les siècles. Il ne veut donc pas partir sur un exposé d'histoire dans lequel il risquerait de faire des erreurs... En revanche, il connaît bien la mode et a des choses à dire sur ce thème. Ce sera donc son point de départ. Son introduction est moins traditionnelle que celle de l'élève A mais montre de la réflexion et est par conséquent valable.

Après avoir respecté un alinéa de 2 carreaux, l'élève B écrit sur sa copie son introduction.

Résultat

       Non seulement la mode est présente partout dans nos vies, dans la rue et dans les médias, qui diffusent par exemple les défilés des nouvelles collections, mais elle constitue également un enjeu économique important, moteur de croissance, générateur d'emplois et de consommation. L'enthousiasme d'aujourd'hui pour la nouveauté en matière de vêtements et de coiffures n'est pourtant pas nouveau. Au XVIIIe siècle, Montesquieu aborde justement dans ses Lettres persanes parues en 1721 le thème de la mode et ses conséquences pour la société tout entière. Comment réussit-il dans ce texte à utiliser un sujet léger pour effectuer une critique sociale ? Nous étudierons d'abord l'aspect amusant et fictif de cette lettre pour voir ensuite comment la critique de Montesquieu se met en place grâce à l'humour. Nous montrerons enfin les dénonciations sévères contenues dans le texte.

 

Encore un autre exemple d'introduction avec l'élève C

Contexte

Comme les deux autres, l'élève C a bien compris les enjeux du texte de Montesquieu : critiquer la mode, faire rire mais aussi faire réfléchir et critiquer la société. Cela lui fait penser aussitôt à d'autres auteurs qui passent par l'humour pour effectuer une critique sociale : Molière avec ses pièces mettant en scène des bourgeois ridicules, La Fontaine avec ses animaux, etc. Sa problématique est la suivante : Comment Montesquieu parvient-il à élaborer une véritable critique sociale à travers un sujet aussi léger que la mode ?

Au brouillon

Son plan de commentaire au brouillon se fera en 3 parties :
I/ Le faux sujet de la lettre : la mode et la critique des Français face à la mode.
II/ Le caractère comique de la lettre et l'écriture virtuose de Montesquieu.
III/ La critique politique d'un philosophe des Lumières.

L'introduction de l'élève C est intéressante. Elle montre qu'il peut faire des liens entre les siècles et les textes.

Après avoir pris soin de faire un alinéa de 3 carreaux, l'élève C écrit sur sa copie son introduction.

Résultat

          Dans la tradition littéraire, l'humour est souvent utilisé par les auteurs pour établir une critique sociale. Ainsi au XVIIe siècle Molière n'hésite pas à employer un comique de caractère dans sa comédie Le Bourgeois Gentilhomme afin de dénoncer l'ambition sociale des bourgeois. De même La Fontaine dit qu'il se sert « d'animaux pour instruire les hommes » dans ses Fables et passe par une fiction humoristique pour souligner les défauts humains. Au XVIIIe siècle, Montesquieu s'inscrit donc parfaitement dans cette tradition lorsqu'il publie ses Lettres persanes en 1721. Comment parvient-il justement à élaborer une véritable critique sociale à travers un sujet aussi léger que la mode ? Nous verrons dans un premier temps que cette lettre fictive semble parler de la mode et critiquer les Français. Nous étudierons ensuite le caractère comique du texte dont l'écriture fantaisiste épouse la folie des hommes, en proie à la passion et à l'inconstance. Enfin nous nous interrogerons sur la critique politique que cette lettre fictive dénonce en vérité.

 

Vous savez désormais comment faire une introduction pour un commentaire de texte.
Maintenant, à vous de jouer : entraînez-vous !

 

Pour information, le texte d'étude sur lequel portait le commentaire,  "Caprices de la mode" (Lettres persanes – Montesquieu, 1721) :

LETTRE XCIX.

RICA à RHEDI, à Venise.

Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été ; ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver : mais surtout on ne saurait croire combien il en coûte à un mari, pour mettre sa femme à la mode.

Que me servirait de te faire une description exacte de leur habillement et de leurs parures ? Une mode nouvelle viendrait détruire tout mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers ; et, avant que tu eusses reçu ma lettre, tout serait changé.

Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne en revient aussi antique que si elle s'y était oubliée trente ans. Le fils méconnaît le portrait de sa mère, tant l'habit avec lequel elle est peinte lui parait étranger ; il s'imagine que c'est quelque Américaine qui y est représentée, ou que le peintre a voulu exprimer quelqu'une de ses fantaisies.

Quelquefois les coiffures montent insensiblement; et une révolution les fait descendre tout à coup. Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d'une femme au milieu d'elle-même : dans un autre, c'était les pieds qui occupaient cette place; les talons faisaient un piédestal, qui les tenait en l'air. Qui pourrait le croire? Les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d'élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d'eux ce changement; et les règles de leur art ont été asservies à ces fantaisies. On voit quelquefois sur un visage une quantité prodigieuse de mouches, et elles disparaissent toutes le lendemain. Autrefois les femmes avaient de la taille, et des dents ; aujourd'hui il n'en est pas question. Dans cette changeante nation, quoi qu'en dise le critique, les filles se trouvent autrement faites que leurs mères.

Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes : les Français changent de moeurs selon l'âge de leur roi. Le monarque pourrait même parvenir à rendre la nation grave, s'il l'avait entrepris. Le prince imprime le caractère de son esprit à la cour, la cour à la ville, la ville aux provinces. L'âme du souverain est un moule qui donne la forme à toutes les autres.

De Paris, le 8 de la lune de Saphar, 1717.